édition en ligne

CLAUDE MINIÈRE

Un poème issu de

LE SECRET D’ M.

Une odeur de vernis et de fruits

Certains doux parfums

retournent la situation

lui donnent une autre fin

et nous retournent du soir au matin

des cercles dans les cercles

les feuilles le sable les étourneaux le chemin

et l’effort domestique et la sauvagerie

ou simplement le parfum  pêche d’une joue

publié en décembre 2020

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Claude Minière est né à Paris le 25 octobre 1938.
Après la publication d’un premier livre, L’Application des lectrices aux champs, en 1968, aux éditions du Seuil, il a contribué à plusieurs revues, TEL QUEL, Critique, Po&sie, TXT, L’INFINI, artpress… Il est revenu, de fait, à la poésie avec La Trame d’or (éd. Marie Delarbre, 1998), puis Le Temps est un dieu dissipé (Tarabuste, 2000).  Après avoir séjourné à Londres, il s’est installé à Lille où, libéré de toutes obligations professionnelles, il a composé trois essais critiques, Barnett Newman (Tarabuste, 2005) ; Pound caractère chinois (Gallimard, coll. L’Infini, 2006) ; Encore cent ans pour Melville (Gallimard, coll. L’Infini, 2018).  Il poursuit sa collaboration avec le peintre et sculpteur Mathias Pérez dans la réalisation d’ouvrages à tirage limité, Gueule noire (2015).

 

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Entretien avec Ismaël Savadogo et deux poèmes inédits

Ismaël Savadogo a été invité comme résident à la Cité internationale des Arts à Paris pour le Printemps des Poètes 2017 « AFRIQUES », alors qu’il habitait en Côte d’Ivoire et n’a publié qu’un seul livre aux éditions Du Lavoir Saint-Martin et très peu publié en revue (deux fois dans « l’Intranquille »).

 

Lors de la présentation du n°5 en librairie, une lectrice que je ne connaissais pas a ouvert la revue et commencé à lire devant la caisse du libraire et a saisi, là, dans une agitation remarquable après une présentation le soir, elle m’a posé des questions sur Ismaël Savadogo et l’a remarqué comme poète alors qu’il en était aux premières publications…

 

ENTRETIEN

Vous êtes à Paris pour peu de temps ? avez-vous eu le temps d’écrire dans cette agitation ?

 

Oui, j’essaie de trouver le temps et surtout le ton pour écrire. Au départ je n’arrivais pas à écrire dans ce cadre nouveau. Dans mon studio de la Cité des Arts il y a deux tables, une grande table près de la fenêtre d’où j’aperçois une partie du jardin et une petite table placée contre un mur. En m’asseyant à la fenêtre je n’arrivais pas à écrire…

Mais face au mur un jour, ça a été comme un déclic, et depuis ce moment, je me suis mis à écrire.

 

Vous avez donné des lectures publiques. Etait-ce la première fois et comment ça s’est passé ?

 

Oui, c’était la 1ère fois que je lisais en public. J’angoissais, d’autant plus que j’arrive pour la 1ère fois à Paris et je ne parle pas très fort, mais heureusement il y avait un micro. Je suis passé au pupitre, j’ai lu quelques passages de mon ouvrage et j’ai eu un retour très encourageant du public, finalement ça s’est passé toujours bien, des personnes venaient vers moi après pour me parler. Un jour, dans l’ascenseur de la Cité internationale des Arts une résidente venue de l’Australie et qui faisait de la photographie m’a dit combien elle avait aimé ma lecture à l’auditorium de la Cité des Arts. Mais j’ai du mal à lire en public.

 

Venons au fondement des poèmes. Votre univers étonne plutôt, il y a un versant très sombre dans le sens où pour moi, c’est comme si vous dialoguiez avec les morts ou la mort.

Est-ce cela ?

 

Non, je ne dialogue pas avec les morts mais la question de la mort revient souvent il est vrai parce que j’ai moi-même un problème avec la vie, disons le comme çà.

Parler de la mort me permet peut-être de répondre à mes inquiétudes, de me fuir moi-même aussi. Il y a ces images qui ne me quittent pas, ces images de sans-abris, d’étrangers, d’enfants qui sont finalement les mêmes détresses que je voyais à Abidjan.

Parler de la mort aiguise une sensibilité aussi qui me permet de me rapprocher des autres, de prendre une distance par rapport au monde, mais pas une insensibilité, c’est un peu tout ça à la fois…

 

Je ne vois pas d’influence d’un poète connu sur vous. Qu’en pensez-vous ?

 

J’ai lu beaucoup de poètes avec la même ferveur, Rimbaud et Verlaine que j’ai connus au collège, et que nous avions au programme de français en classe mais aussi Léopold Sédar Senghor que je voyais comme un modèle à ce moment là, j’avais lu sa biographie et séduit par son parcours universitaire je rêvais d’être un brillant homme de lettres comme lui. C’était mes rêves au collège.

Plus tard à l’université, j’ai connu Roberto Juarroz que j’ai lu avec la même ferveur, j’aurais dit que si influence il y a elle vient de lui, parce que j’ai été touché par sa conception de poésie verticale. Mais je me suis ouvert à d’autres poètes, de tous les continents et mes lectures étaient assez variées…

 

Comment avez-vous commencé à écrire ?

 

A une période de ma vie, autour de moi, (mouvement de mains autour)

s’est créé un vide, une grande solitude, ce n’était plus tout à fait la même vie qu’avant…

 

C’est quand vous n’avez pas pu venir étudier en France et qu’en Côte d’ivoire, c’était délicat à cause de…..

REPONSE : Oui, le visa m’a été refusé deux fois alors que je souhaitais venir étudier en France. J’ai été profondément attristé par ce refus et je pense que cela a aussi été un tournant dans ma vie. J’aurai pu rester en Côte d’Ivoire pour poursuivre mes études mais c’était difficile en Côte d’Ivoire…

 

Alors j’ai commencé par me retirer chaque jour dans la cour d’une église, ou quelques fois dans un jardin botanique situé dans l’agglomération d’Abidjan et j’essayais de prendre du recul, de retrouver la tranquillité loin de l’agitation d’Abidjan.

Et puisqu’on accepte cette solitude, elle devient comme une maison, et on essaie de l’habiter avec le soutien de la poésie…

 

Vous ne semblez jamais avoir fini un poème. Quand il est au bord d’être publié, on dirait que vous avez peur qu’il ne soit pas parfait et vous voulez le modifier à l’infini. Votre éditrice Mme Chabrerie (Lavoir St-Martin) a semblé me dire cela aussi car vous avez mis 2 ans à publier votre premier livre, c’était bien dû à ce travail de perfectionnement ?

 

C’est dû à ma nature, j’hésite tout le temps, entre ce qu’il faut faire ou ne pas faire, la peur de s’engager.

J’aime rester un bon bout de temps avec mes textes, pour qu’ils m’aident à me supporter, je les relis de temps en temps.

 

Les lectures qu’on fait accompagnent notre vie, se lire et relire aussi, je vous comprends…

 

7 avril, Paris entretien mené par Françoise Favretto, revu par l’auteur.

Publications dans la revue L’INTRANQUILLE n°5 et n°12.

 DEUX POÈMES INÉDITS d’ISMAËL SAVADOGO

I

 

Chaque jour on attendait,

 

sans être certain d’avoir compris

ce qui nous arrive de nouveau ;

 

ce qui nous forçait à ne pas parler

parce qu’on ne parvenait pas

encore à dire qui écrit,

 

ce qui reste à savoir sur nous

et sur la perception en nous du rien…

 

On entre au monde en réalité

par la même porte que ceux qui en ressortent,

 

c’est-à-dire sur le long d’une route

où on se tient alors arrêté

on perd la même image…

 

Les soirs personne ne voit le vide

et peut-être que l’emploi d’un mot

devient une seule et même chose

 

.

Il n’y a de passage où chercher

qu’une phrase écrite

sous une lampe près du lit

et qui garde sans forme tout ce qu’elle sait.

.

II

 

On allume la lumière

et on trouve un cahier fermé

qui presque s’oublie.

 

La rencontre secrète avec la nuit

est au centre de chaque mot fantôme,

 

chaque mot déposé

avec les mêmes gestes déjà vides

qui font que la phrase ne survit pas /…/

 

Il y a entre le sommet des arbres

et toutes choses un retour,

 

ce rapport des yeux qui n’est autre

que de consentir au silence.

 

 

 

L I S A   G E P P E R T

LA COULEUR DE L’OUBLI (extraits)

Ici rien n’a changé

                       tout est semblable

à ce qui a toujours été

Mais

dans ma tête             pousse une herbe nouvelle

Je vois un peu d’avenir dans les arbres —

Leurs branches

comme une main tendue                           pour s’extirper du passé

             La vitre est embuée

                                               Dernier soupir

— quelqu’un est là

(On connaît tous des endroits qui hantent les recoins de l’âme)

                                                    Dans cette chambre il y a quelqu’un

                                                                                                               qui se noie

Dans cette chambre

                                          Il y a quelqu’un

les murs

les draps

les

gens

sont bien trop

blancs

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Lisa Geppert est née en 1989 en Lorraine. Elle découvre le lyrisme moderne durant ses études et réalise un mémoire sur la thématique du fragment et de la ruine en poésie. Les formes brèves, lacunaires et épurées l’inspirent : c’est dans ce « peu de mots » que naissent les images qui traversent sa poésie. Elle exerce aujourd’hui comme professeur de lettres dans le second degré, tout en continuant à écrire.

Ses textes ont été publiés dans la revue Phaéton (Editions L’Ire des marges) de Septembre 2015, ainsi que dans la revue Voix d’encre n° 53 (2015).

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PHILIPPE JAFFEUX

Chaos

J’adhère au chaos et au hasart parce qu’ils donnent l’impression d’un mouvement, d’une disparition de l’espace et du temps qui préserve l’énergie d’une écriture en crise.              Les lettres, issues du chaos, s’assemblent pour former des mots qui composent des phrases prêtes à remplir les pages. Un texte retourne alors au chaos et à un tourbillon qui se détourne de la beauté ou de la sagesse. Aussi, le hasart aiguise mes perceptions pour interagir avec un chaos qui met en ordre mon écriture. Le corps, les nerfs et l’esprit se laissent traverser par ma langue afin que des mélanges de mots trouvent une place qui fait corps avec le désordre. J’écris alors seulement pour accompagner, sans les dénaturer,     des situations, des passages et des déplacements de forces.

Mon activité se limite, le plus souvent, à recueillir une confusion, à explorer une fantaisie qui fête une explosion baroque de ma langue. J’écris pour démarrer des réactions en chaîne avec des mots qui essayent d’entraîner un débordement de la syntaxe. La force perturbatrice du chaos me permet de mettre à mal le déterminisme, la rationalité,                 la pensée discursive et déductive.

Le chaos représente une réserve de potentialités qui stimule un rythme intérieur.                   Il bouscule et renouvelle la syntaxe de mes phrases en vue de penser et de renouveler l’écriture. Dans le meilleur des cas, mes textes devraient révéler un tohu-bohu de vents,      de souffles imprévisibles, inattendus, parfois fantasques, qui tenteraient de parasiter        un sens normatif. L’écriture est à son avantage dès qu’elle s’emballe, dès qu’elle apparait comme la simple présentation d’une suite de mouvements incontrôlables. Le désordre surgit à l’instant où mes phrases s’engendrent d’elles-mêmes, lorsque mon activité automatisée convoque l’autre côté du monde : le lieu où le langage ne fonctionne plus. L’écriture, comme moyen de voir des mots qui en cachent toujours d’autres, serait-elle  une façon de m’initier aux lois du chaos ? Mes textes seraient-ils chaotiques parce qu’ils s’appuient sur des changements d’échelles inattendus et aussi souvent, au départ, ou dans leur intention, sur un décalage minimal qui entraîne un grand écart à l’arrivée ? Le chaos peut aussi prendre la forme d’un écart (ou d’un échange) entre mon monde intérieur et celui que je tente de nommer par écrit.

Le chaos peut se transformer en une méthode, voire en une science qui me permet d’accéder à un champ de conscience élargie, qui m’aide à perdre mes repères et à m’élancer vers l’inconnu. En ce sens, mon désordre se réduit à mettre en forme un ordre et réciproquement ; ma pratique de l’écriture me semble forcément liée à un désordre paradoxal. Le chaos exprime une autre manière de nommer l’ordre. Le « chaordre » pourrait être un moyen de me laisser porter par des vagues de mots, par un devenir. Le chaos est      le principal moteur de mes désirs, il est à l’origine de mes bricolages, il se situe au-delà      de la beauté, il représente l’instant où je suis traversé par des perceptions indomptées et sacrées qui me permettent d’être dépassé par mon activité. Le chaos m’invite à m’enivrer avec mes propres peurs, à préserver un déséquilibre et une instabilité, à être possédé par une dynamique qui suscite une transe extatique. Ecrire Alphabet a aussi été pour moi           un moyen de peindre des forces perturbatrices, de théâtraliser des excroissances et des déviances.

Le chaos invoque la meilleure façon de m’adresser à ma langue de traduire les éternels recommencements, les changements perpétuels, les circulations de flux et peut-être aussi mes incessantes corrections. En mélangeant des mots opposés, en réunissant des contraires (qui sont en fait inséparables) j’accède à un chaos qui me permets de dépasser la dualité, les alternatives, la pensée binaire. Chaque vocable passe dans son contraire afin d’engendrer un mouvement étayé par une confusion créatrice : je peux enfin apprendre parce que plus rien ne peut être compris. Dans le même ordre d’idée, il me paraît nécessaire d’essayer d’écrire en ne faisant plus de distinction entre la théorie et la pratique entre le texte d’argumentation et celui de création. Dans l’idéal, le chaos devrait me permettre de m’affranchir de la volonté pour que mes textes parviennent à être de simples reflets de ma pensée ou du monde. J’écris aussi peut-être dans le seul but de retourner à  la page blanche, c’est à dire à l’image même du désordre ; à un vide inépuisable et toujours disponible qui contient toutes les possibilités. Le chaos est la seule ressource qui nous permets de retrouver et d’intégrer le fond évasif et indifférencié d’avant la séparation.       Le chaos pourrait-il évoquer le monde indéterminé, ineffable et indistinct du tao, là où n’interviennent plus l’ego, l’intelligence séparatrice et la conscience intentionnelle ?

Philippe Jaffeux a publié à l’Atelier de l’agneau :

O/L’AN, 2011

Courants blancs, 2013

Autres courants, 2014.

Il a aussi publié des livres chez Passage d’encres et Lanskine.

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KHALID EL MORABETHI

UN POÈME pour annoncer le livre E.X.E.R.C.I.C.E.S collection 25 (le premier livre d’un auteur), paru en mars 2017 et illustré par les dessins de CYRILLE ROUSSAT.

Khalid EL Morabethi habite Oujda au Maroc. Il a 22 ans et étudie la littérature française. Il écrit aussi en duo et fait des photos. Ce texte ALZHEIMER a été lu par Françoise Favretto le 27 décembre à Paris lors de la journée « croisée des arts » de l’Atelier de l’agneau éditeur.

Alzheimer

Alzheimer fait le tour de la table

Entièrement nu et avant de se laver le visage,

Car il hait sa nature, ses vêtements et les anniversaires, il ne voudrait pas savoir son âge,

Alzheimer veut être piano,

Non pas un vieil homme méchant mais piano,

Non pas un grand-père qui attend son petit déjeuner mais piano,

Non pas un grand-père qui attend un coup de fil de sa fille mais piano,

Non pas le chaos mais piano,

Juste pour savoir ce qui se passera quand monsieur noir jouera la première note,

Juste pour savoir si la mort l’aime,

Juste pour savoir s’il est proche de l’idéal,

Juste pour savoir s’il peut encore avoir mal.

Alzheimer fait le tour de la table,

Sa femme lui dit qu’elle peut le laisser comme un sac,

Qu’elle peut le jeter comme une pierre au bord du lac,

Si elle le tue, elle serait seule, pensait-elle,

Si elle se tue, il serait seul, pensait-elle.

Les sourires tombent,

Les regards tombent,

Les mots tombent,

La pluie tombe

Étrangement,

Lentement,

La mémoire tombe,

La salive tombe,

Une idée tombe,

Une autre feuille d’un arbre tombe

Étrangement,

Lentement,

Avec une telle beauté,

Alzheimer pense que s’il devient piano, le temps va s’arrêter,

Il pense que s’il devient piano, les cris de sa ténébreuse vont s’arrêter,

S’il devient entièrement piano, la douleur du cancer va s’arrêter,

Les battements inutiles vont s’arrêter,

Maudit cœur…

Maudite fleur,

Belle mais angoissante,

Elle est belle mais elle donne ce sentiment de haine, ce sentiment de honte,

Maudit cœur…

Maudite fleur,

Maudit miroir,

Sale tête, disait-il,

Il veut avoir une nouvelle tête,

Il veut être piano protégé par une bête

Maudite image,

Maudit stylo, maudites pages.

Alzheimer fait le tour de lui-même

Il dit : ‘’ Je ne veux pas m’enfermer dans une tombe et qu’on annonce ma mort’’

Il veut être piano, bien caché tout au fond de la mer, comme un trésor.

Poème de K. EL Morabethi

copyright atelier de l’agneau 2017

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GEORGES MÉRILLON POUR « SERVITUDE VOLONTAIRE »

 

u                                                           n                                      u

contre un quoi ?   contre le ‘un. Pas de UN majuscule certes, mais encor pas de ‘un. Il n’y en a pas, de ce qu’il nome : l’être lui-même, cestui-ci ne saurait estre, si ce n’est en effet de vue de traduit ayant subtilisé : S pris : Ah ! estre sans provenance, émergence, venance, aventure, épa- éva- nouir ! sans et, trans-mission variantes et ni métamorphoses.     Si estre absolu, tendance à l’absolu, était, il serait plein complet sans hiatus ni espace granulaire, seul ; without any bouche ni mot qui le double. – D’où vient provenance ? Oh de peu. Peu d’erre dont s’réitère le mêm ; deux, Un c’est parti, co-, écho ; un [entre] nu. u[interval]n [espace] n[interval]u. Par fonèms ou lettres  écrire  est ce passer  espacer  tracer  articuler  temporer  costeller  signature : marque manque, dèsavant origine, avant un ou autre  ça manque, faut  encore un particulé itérable àcôté. Avec sans. Ainsi en différant jouent un et autre, un contre pour antre & autre    jev povr p l e i n  p   o    i     n       t,  vi – mor,   mo – ʃoz  estre –  v   i    d     e     d      i        e                  v    enpvissance – anarkè –  que remplace escamote le mot Diev o diev omni-potent pantocreatevr qui surunise le mot: vn   mispovr dominer devs, abstraire extraire traire  les nombres les viandes sexvèles  nevrosynaptiques et mispovr institver l’intension d’ordre cellvlaire caryoté de la langve bande qve je vi vi vibrə vit ʃoz- mo osə j’ovïr langàgegesteparole   en tro

publication  mars 2016 :

JCH OZANNE

Qui êtes-vous ?

: : Nous sortons 1 chaise en pull face à l’avenue < > à ce moment-là je n’ai pas envie d’autre chose : : ce-que-Je-préfère-J’aime nettoyer mes pièces – absorbé bien sous l’enseigne < > mon métier-nouveau / à peine déplacé // ma bonne mine et aucun symptôme

LE TEXTE :

Un monde : : une extrême-délicatesse > c’est en extérieur déjà derrière la porte et pour-tout-dire hors piste < > Je ne suis pas sujet aux angines de poitrine / sujet suis-Je à de grands éblouissements / à qqu’émotions troublées > en legging ajusté au mm J’ai pris le n° du garde-meubles / et Tu m’accompagnes : : : c’est 1 habitude : : : J’ai presque oublié les 2 morceaux de mur fabriqués pour nous-mêmes / et la supervisseuse est restée en-l’air en l’entrepôt-du-magasin-en-ligne // Je n’ai jamais fait de montagne / et Tu veux déménager


peu après la panne 1 dimanche sur l’auto-piste près de la mer Je me suis montré satisfait de la prise en charge par l’Organisme-approprié > ici je confie le n° 01 42 80 48 48 > Tu peux le faire : et t’entretenir qques minutes sans autre support technique avec 1 ou 2 voix naturelles / à peine supervisées – ou d’une oreille coquine peut-être

Je n’ai jamais fait de montagne                                                                                          Tu peux le faire


.. ……… s’engage depuis sa création à innover et à proposer des solutions pour ceux qui n’en n’ont plus. Depuis la création de notre solution, nous avons permis à des milliers de ……….s de retrouver une ……… et la ……


< > qui sommes-Nous ?


c’est pas dit > demeurent qques sujets de méprise // pour 3 cm dans-les- stratings-à-nouveau Tu fausses le départ – ta peur et ton regard s’envolent – Tu te souviens + ou – bien de la phrase > pour être aimé faut faire quoi – – et puis de la phrase > comment on a pu finir ici, dans ce trou >> Ecoute-moi > Sois charmant puisque c’est ton chemin < > 1 merveille à tous les étages et l’animal puissant te ressemble : et Tu sais que J’ai raison


l’animal force l’admiration quand Tu veux / Je m’assieds juste devant < > Je m’absorbe et Tu m’aperçois en 1 périphérie tranquille – avec les doigts J’associe qques portions inhabituelles – du coin de l’oeil Tu cherches à mieux voir > comment s’organisent les-échanges-les-rencontres < > c’est quand Tu voudras


>> Ecoute-moi < >

c’est quand Tu voudras


extrèmemonde ou délicat // la livraison à domicile si Je suis de bonne humeur c’est bien > enlever la soupe le-paquet-la-commande et partie la roulette // peut-être 1 jour J’ai essayé l’histoire > mais Je n’ai pas su < > c’était bien avant l’advenue des endives / du petit-salé au coin de l’étage : : : déjà de retour devant la porte Tu dis la piste est complète < > et Je me suis presque oublié / J’ai presque oublié de te faire venir à moi > Je ne sais pas l’angine Je ne suis pas l’angine Je ne me mets pas en société / Tu viens ? > Je garde les rayons Je mets les tailles > Garde la ligne / Règle l’heure / tout-sur-la-chanson > Tu installes Tu composes Tu prépares avec moi : : : de-grands-éblouis-Nous-sommes < > à qques immeubles d’ici et juste en jambes les magasins d’entrepôt du marchand de fournitures voisinent avec l’ancienne salle de catch // les corps 2 par 2 sautaient d’assez haut / d’1 même élan pourrait-on-dire / et de l’autre côté l’animation de la supérette a su garder une façon-d’envolée > qques instants de doux flottements / bien aimables&garnis > d’un regard au loin / du-casquounet-mains-libres : : : Je me balade en short en mon bout de couloir / Je cherche mon peigne < > finalement Je n’ai pas accroché ce poster de la vie-sauvage que Tu m’as donné : : au-Nord-du- Nord-au-flanc du radiateur timide > J’entrevois les rainures du poisson / Je me suis déshabillé et d’1 certaine façon Je te prends la hanche // Je conserve ton numéro /// il y a 2 pièces 2 morceaux de mur pour nous < > toi vouloir déplacer quoi ? : : : : : écrasé 1 dimanche à proximité des pistes du stadium et sans appoint > pas du tout prêt à tout > Je me retrouve à l’entretien avec 1 ou 2 naturels / de la suture en accoustique et 2-3 questions > Je me confie Je m’assure Tu m’assures que / le traitement instructif sera // et puis : : : : : Sauve-toi-Sauve-moi / Tiens-toi longtemps sans outillage / ni 1 ni 2 et par les conduits intimes à peine congestionnés > Fais-toi / le coquillage-enthousiaste / Fais-toi jeune-veau-surpris-par-la-course / Pratique qques sauts d’animal : : J’ai les biscuits salés – qques oeufs sur la digiplaque / J’ai à trouver quoi faire et à propos > foin du loto & tatami > J’ai l’effervescence au bord du lit // il y a 3 mois J’ai plus ou moins conseillé à mon fils de se former à l’avion au pilotage > un moyen de gagner ici&là / l’argent-les-ronds // il y a aussi le parachute Je lui ai dit / ça n’a pas pris : : Regarde / Tu te souviens-oui qques secondes d’avoir suivi > 1-insecte-au-sol-mais-oui / qui se promène ou avance avec / disons-allez son esprit-seul / l’univers- de-ses-amours ses généalogies >> sera-ce de trouver 1 configuration / la vitesse les voies les malles / à traverser ? /// et maintenant Remarque Je prends des notes > mes douleurs au pied ou presqu’au creux de la main / à gauche / etc < > Tu dis Je ne l’ai jamais fait /// Nous avons le permis > récupérer-ne-pas- récupérer < > A propos de nous ? < > embrassons-Nous / Je t’embrasse : : : : : J’en mange peu Je n’y vais pas mais / quel est le séjour dans quel salon > attraper 1 ou 2 babioles-posées-là / et courir nos craintes > être aimé – pour ce que Nous faisons ? // pour ou contre la moitié d’un jeton dans le froid au coin des caddies Je renouvelle l’image que J’ai de tes cuisses / des longues traversées de faubourgs au soleil / 1 départ en vacances / Je me parcours l’intérieur : : et puis 1 langue / comment Nous-allons être ici et puis / à écouter ? : : Je suis en fin de traitement > quoiqu’il arrive > pas pour moi de finir ici : : en-la-manière-en-la-manière : : ne t’Inscris pas / Fabrique peut-être des choses-d’appui / Arrange les plantes < > Sois- charmant-puisque-muffins < > à gauche ou à droite en 1 brasserie un peu chère et sa carte-à-moutarde > Fais pas mine de tousser >> Sois > 1 façon de vétérinaire-extrêmement-puissant / et le chemin correspondant – à la fin de ce trou-ici ::::: Je suis assis le dos droit et Je pense à 1 banc le matin suffisamment tôt / c’est quand Tu veux J’ai 1 doigt qui sort la tête < > Je fais part d’1-Inhabituelle-Quest < > le parfum de l’anus m’a toujours bien plu et Je ne connais pas la vie avec les chevaux > J’ai vu qques manèges bien ronds et bricolés-semble-t-il > où ressentir de l’amour-sans-mélange / où m’abandonner-à-toi eût été la chose à faire mais / J’ai voulu prendre le temps me suis laissé attraper en 1 songe et qques épaisseurs bien-bien-lumineuses < > juste asseyons-Nous directement au bord / se rendre compte s’imprégner / comment est la session comment dans laquelle etc >> Chers-Amis-de-l’ambassade / Attachés&Chargés d’affaires > n’est plus l’heure de nous chier dans les mains : : t’intéresserait-il de mettre en route une compote < > ai-Je-besoin-oui : : : aussi-bien-aussi-bien Je fuis-devant-devant / Je ne sais pas mieux le nom des arbres que la pratique des fondations : : : J’avais mal à l’œil ces dernières semaines / et J’ai encore de temps en temps comme une lumière en haut à gauche – Je l’ai déjà dit /// Je viens quand Tu plonges // Admire le coin les réunions les échanges-de-personnel / Admire-Trouve < > selon 1 façon de lever la paupière il est bien-bien-question de / supprimer-enlever-au-mieux-et-le-plus-possible > de supprimer-oui-donc > les échanges les arbitres / les arbitres-qui-non les échanges-qui-non < > ceci selon c’est vrai / il faut bien le comprendre > 1 façon de contempler < > comment dire > d’embrasser l’affaire : : : : : sur la digue vers le phare > Nous pourrons / manger des moules toutes prêtes / pour fêter ça : : : et bientôt Veille sur mon sommeil ?       

                                         JCH OZANNE

Tous les textes de cette édition en ligne sont protégés. Aucune copie n’est autorisée sans avis de l’éditeur et de l’auteur. La mise en pages d’origine n’a pas toujours pu être respectée. Ecrire à at.agneau@wanadoo.fr

 

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Georges Mérillon :

~ fule: dãsəvwa ~

F0ULÉESDNSEVoi

DΛNSEV0i

extrait des premières pages

(…)

Espérant rencontrer en cette lacune – rien lu de lui – je choisis un titre où il réfléchirait son métier, interviews d’auteurs chaque soir, une demi-heure, France-culture ; et,

par hasard,

dans les débuts de sa narration sobre fragmentine, il ob-serve décrit – fait littéraire, qui rompt une exclusion conven-tionelle ; n’en déplaise à Jarry, la littérature n’est pas que lettres. Il décrit scrute attitude, état, visage, organes de celui ou celle qui se met

qui s’envoie

qui se met à parler ; le phénomène phonation, sport de paroler pour dire.

Même si une émission plus vive devrait laisser s’échapper micro ouvert un grommellement de méchant départ, ou des apartés inconvenues, tâtonantes. À tente-chance de réduire la fourberie du parfait. Ce qui d’ailleurs est le dessein qu’il remarque, laissant opérer des silences, hésitations vocales, prêtant l’autre part de l’essance de la situation : oreille, ouïe, entente.

Bonheur d’une brève compilation ici nécessaire, venant à l’improviste, après de primes notes phonologiques. Clavier. je redécoupe à même le « roman », prélève des morceaux de phonation :

en bougeant à peine les lèvres. Puis, la bouche avachie : «

 

, les coins de sa large bouche retroussés de plaisir. Sa bouche s’ouvre, se rouvre encore. Le

 

imminent. Ses nombreux raclements de gorge lui tiennent lieu de discours.

 

de mes questions. Il déverse des rafales de mots comme s’il avait en permanence la bouche pleine. Sa salive lui arrose les lèvres, qu’

 

Je me rends compte que ses lèvres forment des mots qu’il s’adresse à lui-même,

 

Une fois de plus, le casque est mal réglé, il me faudra faire avec.     Je dois entrer dans l’intimité de l’écrivain assis en face de moi avec, dans les oreilles, ce grésillement de lard en train de frire.

 

Aujourd’hui, justement, j’ai un trac à faire peur. Il me bloque le souffle, éraille ma voix, la fait flotter.

 

PHILIPPE JAFFEUX (inédit)

IL 

est un long texte de théâtre radical que Philippe Jaffeux a écrit avec Carole Carcillo Mesrobian. En voici des extraits :

N°6 : – Le sens de nos mouvements se retourne vers l’élan de sa direction à la dérive. Une suite d’écarts véhicule la trajectoire d’une scène qui génère la position d’un danger. L’action d’un lieu délimite le déroulement d’un jeu avec le spectacle d’une unité. Nous incarnons une expression de nos visions. Nous sommes mis en scène par le rôle de nos paroles.

N° 8 : – Aller ainsi qu’en rythme qui n’a plus de mesure. Une allure à atteindre en immobilité.

N°6 : – Un message lisible de son silence remonte à la surface d’une scène improbable. Une pléthore de pauses maintient notre engloutissement sous une mer de lettres monstrueuses.

N° 8 : – IL est la chaîne et ses barreaux. Anonnés. Où réfugier nos peurs. En lacunes.

N°6 : – Nous sommes révélés par une représentation silencieuse de son image. Nous jouons avec le spectacle de son invisible réalité.

N°8 : – IL accoutre de lin le manteau au miroir. Costume à reculons. Le cercle à quatre coins enrubanné de marbre.

N°6 : – Notre observation de son silence résonne dans le souffle expérimental de nos paroles. Fusionnons une exploration de notre ignorance avec une interprétation chaleureuse de son mutisme. Projetons-nous dans un vieux film qui interpellera une animation contrastée de son mutisme.

N° 8 : – L’acharnement de sa circulation surgit surtout lorsqu’IL n’entrave plus l’hémorragie de fuir.

N° 6 : – Exprimons la noblesse d’un artisanat en parlant avec nos mains. Corrigeons l’activité de son silence inopportun en adressant une prière à notre temps.

N° 8 : – Entre hier et tout à l’heure, c’est là sa place, dans l’innommable espace de maintenant.

N°6 : – IL nous invite à suivre l’intrusion de son absence entre nos paroles. La marche de son irréfrénable dispositif enraye le creux de nos pensées. Son absence paradoxale contredit l’apparition de nos paroles sur une scène absurde.

N° 8 : – Dans les contradictions IL entérine sa durée persistante. L’exhortation à le convoquer révèle l’antagonisme des réfutations à dénombrer les verrous vissés des conjonctures où IL décompose ses juxtapositions.

N°6 : – Une détention de ma fuite réhabilite un enfermement de ma liberté. Une prison me condamne à être châtié par la peine d’un geôlier muet. Un lieu de pénitence rééduque notre scène. Une répression incorrigible isole l’autorité de son mutisme carcéral. Séquestrons son absence en surveillant un redressement de notre attente.

N° 8 : – Sa position n’est ni hors ni dedans. IL est déblatéré par tous les alentours. La représentation de sa sphère ne se peut encercler aux planches sous nos pas.

N° 6 : – IL abandonne son absence dans nos consciences. Notre scène échappe à nos corps. Ecoutons la liberté de sa transparence chaotique. Son silence approfondit la nature de nos voix.

N° 8 : – Lui ne peut nous connaître qu’amalgamés tels des feuillets sans dires ni numéros à se compter. Nous sommes à l’évidence consacrés à commémorations de n’être aucun et pas même ailleurs.

N°6 : – Nos voix déchiffrent un rythme qui invoque la magie d’un modèle. IL s’identifie à des nombres qui reconnaissent notre relation avec l’infini. Nous sommes possédés par les limites d’une expérience instinctive.

N° 8 : – IL est l’oraison de nos faces et la supplication de nos lambeaux tombés avant même d’éclore. Ce qu’IL est.

N° 6 : – IL doute de ses doutes car la croûte de sa déroute envoute une route qui redoute une banqueroute de notre écoute dissoute.

N° 8 : – IL nous objecte en ensevelis pour exister de n’être.

N°6 : – IL capte une dispersion de notre avenir dans la lumière d’un jeu. L’histoire de chaque mot s’entrelace avec les règles d’une scène rêvée.

N°8 : – Joncher la trace de nos mots d’apertures tronquées pour qu’IL métamorphose aux chuintements des musiques son enclume à peser en écrous qui s’évadent.

N°6 : – Oui. Certes. Assurément. Bien sûr. D’accord. A chacun son dictionnaire. Nous ferons jaillir le hasard de nos bouches lorsque les lettres parviendrons à disparaître dans des nombres.

N° 8 : – Le bestiaire apeuré des signes détenus tels en docilité nous tient creux de prétendre.

N° 6 : – IL a créé son silence en mélangeant de l’air avec du vide. IL se camouffle derrière un enchevêtrement de souffles et de lacunes. Les opérations de son esprit autorisent nos apparitions sur la scène d’un chaos.

N° 8 : – En réverbération le miroitement de l’ombre de ses manches sans bras se laisse appartenir. En agonisant son cadavre fantasmatique aux éclats de lueurs de son reflet IL cessera peut-être de n’être plus rien.

N° 6 : – La valeur de mon jeu imite le rôle de son silence. J’imagine que les vérités ont confiance en ma présence. Le sens de notre représentation se conforme à la réalité de nos natures.

N° 8 : – IL préfère le reflet des illuminations. La chaleur des éclats du leurre de l’espérer s’additionne soustraite des amalgames.

N° 6 : – Plongeons la théâtralité de notre air dans l’électricité d’un orage. Mes impulsions stimulent le recouvrement de sa transparence lymphatique. Je transporte le jeu de notre atmosphère dans le mouvement d’une guerre.

N° 8 : – L’éclipse de l’attendre encore ainsi toujours dissimule le tu de nos disparitions.

N°6 : – L’extérieur de sa conscience détecte le corps de nos perceptions. La couleur de son silence recouvre la longueur de notre attente. IL étudie l’état de nos mouvements grâce à la mécanique d’une paix infernale.

N° 8 : – IL ne pourra demeurer qu’ailleurs dans la travée à monticules d’une abstraction qui ne le comporte plus.

N°6 : – Mon souffle s’est retourné autour de lui-même et j’ai rencontré son visage dans la nature de chaque recommencement.

N° 8 : – Je le cherche perdu en aliénée de croire internée en otage recluse en esclavage de l’entendre suspendre.

N° 6 : – Mes pieds s’appuient sur la position d’une scène qui écrase l’extrémité de ma chute. L’os d’un oubli supporte une excroissance de mon rôle. Des mots creux s’articulent avec un mouvement inaudible de mes lèvres.

N° 8 : – IL est la fable et son travers. Mais IL ne se divulgue que du bas de la page où la trace a cessé.

N° 6 : – Son alphabet fantomatique révèle l’ombre d’un chaos lisible. IL traque la dynamique de ses exploits en calculant ses chances d’être modelé par un des lettres mythologiques.

N° 8 : – IL est existant dans son épaisseur historique ainsi qu’un asphyxié qui respire.

N° 6 : – IL perfore nos tympans d’analphabètes profanes avec un appel pacifique de l’écriture. Les tréfonds de sa communauté de lettres étudiées luttent contre nos paroles spontanées. Cet ectoplasme lettré se joue de notre fraîcheur sanctifiante. IL fusionne une infinité de livres avec la puissance roborative de notre conversation musicale.

N° 8 : – IL aspire nos mots avec des sons qui ne leur appartiennent pas. Le récit de son histoire n’est qu’une affabulation anecdotique.

N°6 : – IL se projette dans nos rêves pour tromper sa réalité cauchemardesque. Le sommeil soignera nos souffrances si nous nommons notre plaisir avec ses désirs inconnus.

N° 8 : – Voici bien des éternités qu’impossible de le soulever à la surface glue des songes. C’est à n’en pas douter un appât de cristal où son reflet retourne l’écho de sa transparence.

N° 6 : – IL nomme le retard entre les mots et les choses. Son savoir n’a plus le temps d’apparaitre derrière des paroles qui devancent la lenteur de notre ignorance.

N° 8 : – IL nous caresse le reflet des visages comme nous aplanissons sa chevelure de crin des chevauchées de l’affabulation de le retracer.

N° 6 : – Nos paroles sont alimentées par l’électricité d’un vide qui fait barrage à l’énergie de son silence. Nous détruisons la réalité de son absence avec des mots qui vont jusqu’au bout de leur imagination.

N° 8 : – IL explore dans les marges voir à y enfermer ceux qui tentent l’évasion à la parabole de son affabulation.

N°6 : – Les traces de nos doutes s’appuient sur le poids d’un nombre. La légèreté de nos costumes transpose une expression de son irresponsabilité.

N°8 : – Les nombres ne le peuvent énumérer non plus. Ils sont à devancer où contrebalancés d’autres à reculons. IL y est qui transmute les conversions en modifications et altère l’évolution des nos métamorphoses.

N° 6 : – Notre hôte nous projette sur une image de notre présence. La représentation invisible de son rôle nous invite à interpréter son absence. Comparons-nous avec l’activité d’un balancement qui berce le repos d’une métaphore hypnotique.

N° 8 : – La réitération de son absence dénombre l’espace entre son apogée et le déclin de nos croyances.

N°6 : -Les sauts d’un rythme rebondissent sur la hauteur d’un mouvement. Nous consolidons l’inactualité de ses gestes cosmiques.

N°8 : – – Tout geste cosmique est l’immobilité. Ainsi s’IL vient nous pourrons l’observer il ne nous taira pas et ne pourra plus guère que nous déposséder sans failles aux mouvements.

N°6 : – Son silence labyrinthique accompagne notre errance interlinéaire. L’espace de son invisibilité a embrasé chacun de nos écrits. Nos paroles se perdent dans un voyage qui met en perspective une victoire de ses impressions.

N°8 : – Par dessus la lumière il n’y a pas l’obscurité.

N° 6 : – Nos renaissances bestiales feront écho à chacune de nos paroles si nous articulons son silence avec une écoute de nos cris.

N° 8 : – IL a gommé les socles de nos doutes afin que nous traversions l’étendue sans marcher.

N°6 : – Une paire de nombres habillent chacune de nos ouvertures avec le corps d’un hasard victorieux.

N°8 : – Ventre faramineux infinitésimal et translucide au nombre comme un vernis de terre aux ravins des passages. On le dit.

N°6 : – Je transporte une extraction de ma présence dans un ton qui cristallise la luminosité de ma voix. La teinte d’un élan paramètre notre investissement dans le fond de sa transparence statufiée. La mer irrigue ma bouche avec de l’eau qui relie mes larmes au sel de son silence. Les règles de son jeu canalisent le cours d’un temps flou. Un ramollissement de l’espace dérive sur l’étendue de notre scène désorientée.

N° 8 : – Je l’ai espéré reconnaître aux étendues du planisphère. L’eau a englouti son expatriation dans les remous de sa distance. Mais impossible de discerner le détour hors de son absence.

N°6 : – Les règles de sa nature imprévisible délimitent notre jeu grâce à l’œuvre du hasard. Notre rencontre avec les nombres génère un choc contre un ordre improbable. Nous sommes compris par les lois du chaos. Les effets du hasard sont nécessaires à l’organisation de nos paroles.

N° 8 : – Défalqué de sa source IL ôte sa mesure et soustrait nos rebours.

N°6 : – Défendons le mordant de notre ignorance en comparant nos expériences avec celles de notre cobaye invisible.

N°8 : – Incisifs en tenailles qui tracent en découpe la tenture à s’évader des lignes. Bientôt IL sera là et nous devrons alors coaguler nos sources.

N°6 : – Masquons la lourdeur de son existence relâchée en circulant entre nos renaissances. Les opérations d’un vide acrobatique surmontent le fonctionnement de son silence maladif.

Philippe Jaffeux a publié 3 livres à l’Atelier de l’agneau dont O / L’AN, COURANTS BLANCS et AUTRES COURANTS ::::::COMMANDES EN LIBRAIRIES ou sur le site http://www.atelierdelagneau.com

 

ARCHIVES DES PUBLICATIONS EN LIGNE :

1. ESTHER ANDRADI

La Marmita/Le chaudron texte bilingue français/espagnol (Argentine) 2. 2. DOMINIQUE BIRKANO
Les oiseaux

3. hommage de Marie Bronsard à Jean-Claude Pirotte  disparu en 2014

4. extraits de manuscrits  :

       Aînée-id de Béatrice Machet-Franke

       Autres courants de Philippe Jaffeux (paru)

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1. ESTHER ANDRADI
    Le chaudron

Ce texte est paru dans une revue allemande – fortement argentine – et qui s’appelle la Salamandre. Co-dirigée entre autres personnes par Esther Andradi et Susana Schwarc.
Il était une fois une marmite énorme. Si énorme que ce n’était que très longtemps après que les ingrédients y avaient été versés, que nous parvenait de l’intérieur l’écho de leur chute. Afin d’en remuer tous les condiments, on utilisait une cuillère en bois grande comme un radeau et les plus audacieux avaient l’habitude d’y grimper pour y plonger, protégés par d’épaisses combinaisons, afin d’y déguster la marinade. Pendant ce temps, des acrobates accomplissaient des exercices de jonglage, tout en se maintenant fermement au sommet de l’immense cuillère, pour faire tourner le manche de la cuillère et s’enivrer des arômes émergeant de ces profondeurs. Des prestidigitateurs se glissaient vers les parapets construits autour des bords de la marmite; de là, en famille, ils profitaient du processus de cuisson. Et depuis ces margelles, ils jetaient oignon, ail, cresson, câpres, huacatay, muscade, piment, genièvre, carvi, le tout selon leur désir et hâché en petits morceaux.
Sur une corde, des équilibristes passaient d’un bord à l’autre, les uns saupoudrant ici le brouet d’un peu de cumin et de cardomome, les autres d’un peu d’estragon et d’origan sauvage, ajoutant du gigembre en bonne quantité, du poivre en grain, du fenugrec et quelques trompettes de la mort desséchées. Ensuite ils extrayaient les coquillages de leur coque et jetaient araignées de mer, langoustes, crabes dans le liquide bouillant.

Un brusque coup de vent éteignit le feu, le potage commença à refroidir. Profitant de ce moment propice, tous glissèrent le long de leur cuillère à l’intérieur de la gigantesque mamelle.

Depuis ce temps, nous mangeons.
ESTHER ANDRADI

LA MARMITA
Érase que se era una olla enorme. Recién un largo rato después de arrojar los ingredientes, llegaba desde el interior el eco de los caídos. A fin de remover los aderezos, se usaba una cuchara de madera en forma de balsa, y los más arriesgados solían montarla para sumergirse, protegidos por capas aislantes a fin de degustar el adobo. Entretanto, los acróbatas hacían malabares para dar vuelta la cuchara desde el mango, manteniéndose firmes en la cúpula, emborrachándose con los aromas que emergían de las profundidades. Los prestidigitadores se deslizaban por los parapetos construidos en los bordes, a fin de disfrutar la cocción con toda la familia. Y desde las márgenes arrojaban cebolla, ajo a discreción, berros picados en menudos trocitos, alcaparras, huacatay, macís, chile, enebro y alcaravea. Equilibristas caminaban por la soga que unía la marmita de lado a lado, espolvoreando un poco de comino y cardamomo por acá, otro poco de estragón y orégano silvestre por allá, una buena porción de jenjibre y pimienta en grano, junto a semillas de trigonella y eringes escarchados. Después despojaron a los mariscos de su corsé y arrojaron centollo, langosta y cangrejo al líquido bullente.

Un golpe de viento azaroso apagó el fuego, y el potaje comenzó a entibiarse en su salsa. Aprovechando el momento propicio, se deslizaron por la ubre gigantesca, llegando a bordo de sus cucharas.

Desde entonces están comiendo.

La Caldera/LA marmite est extrait de :
Berlín es un cuento

 

Esther Andradi
Alción Editora, Junio 2007, 2da edición Diciembre 2009.
La Caldera (titre du conte en espagnol et non pas La marmita) est paru dans la revue Salamandra N°9:
Colaboradores permanentes: Susana Aguad, Juan J. Catalano, Lidia Rocha, Susana Szwarc, Miguel A. Tenreiro
Publican en este número: Esther Andradi, Claudio Archuvi, Ernesto F. Costa Perazzo, Alina Diaconú, Dolores Espeja, Silvia Plager, Lucila Román, Susana Szwarc, Oscar Taffetani.
http://www.salamandraliteraria.com.ar

Esther Andradi est née en 1956 à Ataliva (Argentine) et vit à Berlin et Buenos Aires. Écrivain, traduite en plusieurs langues, elle a notamment dirigé l’anthologie Vivir en otra lengua: literatura latinoamericana escrita en Europa (Vivre dans une autre langue*). Participe au dossier ARGENTINE de la revue n°6 de L’Intranquille. Elle est présente et étudie l’œuvre de SUSANA ROMANO SUED, une des 7 poètes de ce dossier bilingue.
2. DOMINIQUE BIRKANO
L’OISEAU
l’oiseau a volé plusieurs fois
autour de moi, de plus en plus près

je tenais pour certain qu’il me regardait
que le bruissement de son aile froide parlait

venu d’un temps plus lointain depuis les origines
il saluait mon visage, se nourrissait de mes traces

ce que je laissais échapper et que lui rattrapait
je le regardais et je l’aimais

comme on aime son propre cœur
le battement de son aile ma respiration

la froideur au fond du ciel mon obscurité
son œil comme ma langue au poumon

au dehors comme au dedans rattachée, puis
hier la vitre, prolongement de lierre ou des nuées

mais le vide de la paroi qui trompa l’œil
entre lui et moi, il ne le vit pas

dans ce refuge, tout refuge est terrible
il s’est brisé, j’ai ramassé

l’aphorisme de nos vies devenues os
son cou détendu rappelait le plaisir arrêté

sa griffe son œil au devenir des origines
j’allais les rapporter

POÈME DU JOUR N°96 © Atelier de l’agneau

Dominique Birkano. Vit à Paris. Ecrivain, poète, traductrice littéraire.

3. Réminiscences désolées, et maladroit hommage,

du poisson libre dans (son) creux d’eau oublié.

 Dans mes archives, ce petit texte : « les septentrions légendaires de Jean-Claude Pirotte » que l’on m’avait demandé au Temps qu’il fait pour un numéro spécial de revue à lui consacré. Je l’avais commis, non sans m’en étonner. L’aventure, le connaissant, paraissait hasardeuse. Je n’avais pas tardé à être renseignée. Et d’un : de mon vivant, jamais. Et de deux : tu peux écrire ce que tu veux, je m’en fous. Le message était clair. Il n’a, en effet, jamais cherché à savoir ce qu’il en était.

Le texte est daté, septembre 2002-mars 2003. Six mois pour cinq pages. Et onze ans, déjà.

Il y a onze ans, nous avions commencé à nous perdre de vue. Loin des yeux, certes, néanmoins toujours près du cœur. A la moindre occasion de retrouvailles, physiques, auditives – fort rares, il ne goûtait guère le téléphone –, ou de lecture, immédiatement, le temps, les distances s’abolissaient.

C’est que nous avions été l’objet, au printemps 1983, d’un réel coup de foudre amical. Une quasi semaine à parler, boire – bien sûr – , nous baguenauder dans Paris, la nuit, faire escale dans des rades de plus en plus glauques – mais sous son aile protectrice, bien qu’un tantinet titubante avant l’aube, adoubée petite sœur en écriture, je n’avais pas à craindre les importuns –, parler encore, invoquer, plus qu’évoquer, Dhôtel, Calet, et tutti quanti, dormir quelques heures chez ses hôtes qui, se méprenant, m’avaient, dès leur retour, mise à la porte, donc il avait suivi : il nous restait beaucoup à nous dire – nous n’en avons jamais fini. J’avoue ne plus avoir qu’un souvenir nébuleux de la fin du périple, de sa durée, ni de ses modalités.

A peine avions-nous retrouvé nos pénates respectives, languedociennes en ce qui me concerne, au gros buisson, lui, dans le faubourg de Namur, que s’était inaugurée une correspondance assidue, quotidienne ou presque. Laquelle s’est lentement distendue lorsqu’il a quitté la Belgique pour s’installer en France – comme Jean-Claude s’installait, toujours sur une patte, entre deux voyages, deux virées dans les provinces, voire deux guindailles –, à l’hôtel Elise, rue Goethe, de Strasbourg, à Lorient, dont l’adresse ne me revient plus – une strophe, un paragraphe succinct doivent en avoir gardé la trace –, où il s’en était cassé une, de patte, après quoi il avait adopté une canne de dandy pour pallier une démarche incertaine, que, ne prêtant qu’aux riches, d’aucuns malintentionnés avaient attribuée à son intimité – plus qu’à sa science, peu s’en faut exhaustive, sinon exclusive – des nectars de la vigne. Plus tard, la rue des Remberges à Angoulême, Auriac…

Je lui rendais visite une ou deux fois l’an, le rejoignais parfois à Paris où, bien qu’accompagné, il appréciait, en certains circonstances littérairo-mondaines, de m’avoir à ses côtés, pour mieux se gausser. Il lui est arrivé de s’arrêter chez nous, au retour d’une incursion dans les Méridiens haïs. Sur ce sujet, nous ne pouvions tomber d’accord : il disait pis que pendre de l’Italie, et n’avait pas de mot pour fustiger la morgue, la pouillerie des Ibères – il insultait mes aïeuls ! ma lignée ! je regimbais –, du moins jusqu’à ce qu’il ait hissé Barcelone au panthéon de ses terres légendaires.

Curieusement, c’est au détour des années deux mille, lorsqu’il semblait avoir posé durablement son sac dans les vignobles du Cabardès – il s’était même décidé à y créer et animer une collection, chose impensable en d’autres temps –, en notre, dès lors, commun Languedoc, que nos rencontres se sont espacées.

Puis il avait repris sa route, le cours de son difficile – au Prince qu’il était, le numéraire toujours manquait ! – destin, dont je ne recevais plus qu’exceptionnellement les doléances – mais pas seulement. Il s’efforçait, laissant parler le peintre, de remédier à la discontinuité de ses lettres, à leur brièveté, par de singuliers dessins sur les enveloppes, qui enchantaient, aussi, notre facteur.

Au moins chaque semestre, et parfois chaque saison, il m’expédiait de ses nouvelles, sous la forme d’un plus ou moins fort volume, agrémenté d’une courte dédicace. Il demandait à découvrir mes manuscrits, une fois achevés. Sa lecture était précise et sourcilleuse, son commentaire, scrupuleux, ses réserves, tranchées. Il honorait ainsi notre amitié. Je lui en savais gré.

Nous nous tenions, quoi qu’il en soit, au courrant des aléas de nos vies, de nos engouements, et détestations, de nos santés – en cancers aussi, il était munificent, malheureusement.

Et jusqu’à ces sinistres derniers, hospitaliers, il n’a jamais omis de me signaler ses déménagements.

Il m’a été donné de rencontrer ses filles, quelques-uns de ses amis, de ses compagnes, de ses chats, mais qu’on ne compte pas sur moi, pour distiller des indiscrétions, dévoiler des confidences, divulguer des secrets.

Au demeurant, pour qui sait lire, tout, à l’instar de ses plus récurrentes galéjades, est – peu ou prou crypté, stylisé, remanié – consigné dans ses livres,

A quoi renverra l’anniversaire de sa mort, le 24 mai – de cette année 2014 – ? Lui affectait d’ignorer que celle de sa naissance, un 20 octobre – 1939 – était celle aussi de Rimbaud, et il se récriait – l’œil goguenard, en se grattant la barbe – qu’à sa connaissance, seul le grand poète Hérault de Séchelles – ouiche – était venu au monde le même jour que lui – vérification faite à cette heure, ni les dates, ni la qualité ne concordent, il se sera bien amusé.

Quant à l’erreur qui se propage, d’article en article, sur le lieu de son trépas, prétendument dans le Jura, si elle nous – pour ceux dont j’ai eu vent – a exaspérés sur l’instant, elle n’est pas loin de nous réjouir à présent. On peut y voir un ultime pied de nez, une ultime facétie, à sa manière, parfaite : pas vu, pas pris.

Marie Bronsard  29 mai- 1 juin

4. PUBLICATION EN LIGNE du 10 mai 2014 :

Béatrice Machet-Franke

AÎNEE-id

rescapée du sac de soi
me faudra moins de dix-mille vers
pour me porter Vigile

II
Polit sa manie ponce rabote
aînée presque naine bien que
précoce du père au pire
de mire en mère aînée tâtonne
se demande quoi retenir

et si étreindre trop
la rendait mal-aimée
elle cède la place
au cadet

gagne deux ans d’un seul coup d’école ascension protégée
pas de filet mais retour au bain
de langue

et comment dire s’est alignée
c’est a-lignée
c’est ta lignée
s’étale ignée

comment l’entendre

 

un rituel conjuratoire d’incantations
afin de gagner en intensité
pieusement soi Aînée en quête d’identité
Est-née aux cerises
la voisine est témoin
est de son temps gourmand

avant que l’appétit lui mange
la moitié d’un buffet de choix

 

aînée au jardin
dit d’honneur
elle salue le drapeau
sans garde à vous la barrière la récupère
tombée pour de vrai

pour voir Nannie
dans l’atelier d’en face
émerger de la sciure

 

Les mauvais souvenirs n’effacent pas les bons.
Toutes choses égales considérées, deux ou plus apparaissant comme contradictoires, peuvent être vraies. Voilà qui ne renforce pas l’optimisme. Le découvrir, en faire l’observation, n’a rien de rassurant quand on a cinq ans. Mais pourtant déjà le frisson que cette incertitude procure puisqu’alors sont promises toutes les expériences contrastées qui ne pourront jamais s’éclipser l’une l’autre. La conscience du compliqué venait avec un sourire et l’enthousiasme d’avoir compris. Ainsi les mots sévères de maman n’empêchaient pas qu’elle m’aimât. Et le jeu arrêté brusquement « parce que ce n’était plus le moment » n’excluait pas que mon père avait ri de bon cœur et authentiquement avec moi. Que les mensonges débités par Bertrand devant son père de cette façon éhontée, naturelle, était un acte de survie. Quant à Paulette qui semble toujours agir sans faire attention, peut-être qu’elle ne s’en fiche pas, bien au contraire, mais elle ne peut tout simplement pas agir mieux, Paulette. Et voilà qu’il fallait adopter une nouvelle discipline : ne pas croire, ne pas ressentir, ne pas se souvenir d’une seule chose à propos des gens ou à propos des situations.

III

Aînée va de la cour au préau, retraverse, entre dans la classe ou bien va au fond du couloir. Maison c’est tout ça. Un royaume : classe, couloir, préau, cour, préau couloir salle à manger cuisine… ça sent la craie ça sent la soupe et les blouses pendent aux crochets du porte-manteau. Une ambiance que certains percevraient comme grise, mais rassurant pour Aînée, un gris chaud, un gris angora, un gris ciment chauffé par le soleil de fin d’année scolaire…le mois de mai avec ses festivités. La rosière, la fête foraine et les pompons décrochés, la kermesse, les flonflons de la fanfare municipale … les pompons surtout, pour un tour supplémentaire sur le manège classe, couloir, préau, cour, préau… les odeurs de craie, de soupe, d’encre, les blouses accrochées et les manteaux aussi, du violet sur les doigts.

IV

Aînée feint l’innocence sans malice.
Aînée singe le chagrin sans pour autant retirer de la joie
après réflexion elle se dit que voilà sa façon productive de prendre de l’âge
et plus les jours passent et plus elle passe de temps devant la glace
aînée envie le cygne qui se reflète sur le parquet vitrifié du studio de danse
échevelée elle déploie ses ailes et bat ses fouettés échappés retirés et ronds dans l’eau on le sait tout se résume au port de tête et le dos reste droit

V
Un rien
cuivré

le rouge de haine et
dorée elle patine sa peau

puisque colère à perdre haleine excusez sa fr-anchise

pensée galope
parce qu’ainée toute fille qu’elle soit
ne se sent pas appartenir à une église
non plus qu’à une nation

une logique tribale
pour toute raison
l’indienne est son surnom
le temps s’ignore et paresse à quelques lumières des réverbères où se pendre dans la nuit
avant est après après est avant

 

premiers et derniers
sur une même ligne à chaque recommencement
sans origine
aînée est intersidérale

 

N’est pas ânesse
ni bête de somme ni bête de veille
mais mule comme une tête
elle cherche les cinquante en elle
qui font cortège

incarnation du mouvement rapide de la mer Ainée va son destin de Néréide elle rit
aux barbes des Poséidons trop possesseurs elle rit et chevauche les dauphins qui jamais ne régneront mais au matin naissant sur les flots verts elle voit* son élément est fluide
écume ou gaz voilà son apogée

*Pouchkine

VI
Aînée est flâneuse
elle anticipe la dérive
dans le tableau les branches
et les fruits généalogiques
se mesurent au décor bourgeois

les glanes narratifs en filigranes
empruntent un balancement presque ordonné

gauche droite mère père
les ombres de leurs vies comme des vagues

équinoxes et grandes marées dans le rire du grand-père
difficiles points d’appui dans la mémoire mais
un axe bien arrimé
en Armorique
les mythes comme autant de lignes de fuite pour s’en mieux revenir ports, rues, gares, aéroports, autoroutes et leurs inévitables salles d’attente, halls, aires de repos…
Est née à la douane
une nouvelle identité sous le tampon du fonctionnaire

ce qui fait d’elle une trace
veiller à ce qu’elle n’enferme pas

 

VII

Stratégie de carnets
elle croit qu’un par an suffira
elle en fait des piles elle les étend sur un fil
après lessive du temps stratégie
de préavis au fil des mois mais de rupture
point un rideau rayé de pointillés tient
lieu de rapports fraternels

VIII
Rien de nasal dans l’intuition pourtant l’aînée est en odeur de sainteté entendez une extase
une mystique sauvage de l’en-avant comme un devoir assumé mais au bout menée comme une liberté conquise
Bien sûr le goût des premières fois
sa marque de fabrique
le teint de sa peau et l’ourlet de ses lèvres jusqu’à la redite alors l’apprentissage aîné
de la répétition quand l’esprit cherche comment
renouveler le mot fille

XVIII

Aînée rapsodie
orchestre
pose sur une portée de mots des notes d’adieu.
Si on a su la tromper avec des définitions elle a cependant une intime conviction : nommer n’assure aucune sécurité, ne donne aucun titre de propriété, ne garantit rien que d’aller dans le flot d’évolutions plus ou moins étymologiques chacune étant l’affluent d’un plus grand fleuve langagier se jetant dans l’océan
là où est née la vie.
Là où Aînée retourne.

Longtemps et puis au-delà Aînée va disant je
son soi s’essaie aux méditations aux pensées au journal au poème elle en ferait tout un roman
elle emprunte son souffle au bout d’autres chairs visitées elle sent les voix s’inscrire dans toutes les langues et ses cellules gardent la fluidité la plasticité de jouer à tous les alphabets selon le rythme des mitoses c’est là que se trouve l’infalsifiable du texte la source d’une unité

 

Aînée rejoint la dimension universelle
elle s’avance
elle prononce : pour qu’humain il y ait il faut
de l’âme jusque dans les os de ses mots
Ça ferait moelle le silence
ça serait l’épaisseur de tous les autres je transmis depuis la nuit des temps de par le monde
à qui aînée sait qu’elle ressemble parce qu’elle les rassemble tout en divisant

Notes sur Béatrice Machet :

Sa première immersion dans les milieux littéraires a débuté en 1983, avec un attrait pour la science-fiction. Sa rencontre en 1984 avec Jean-Hugues Malineau sera déterminante dans son choix de persévérer en poésie. Après dix ans d’écriture poétique témoignant de son expérience de la danse et de son implication auprès des Indiens d’Amérique du Nord dont elle traduit les poètes contemporains, elle se tourne vers des collaborations diverses avec peintres et plasticiens parmi lesquels on peut citer Patricia Swidinsky, H.Baviera, C.Garcia, G. Serée , violette Adjiman , Youl , Odile Guinand, Corine Leridon, Sylvie Deparis, Jean-Noël Laszlo. Elle collabore également avec des danseurs ( Jasone Munoz de la compagnie La Maquina, Yan Giraldou de la compagnie Preljocaj, Marie-Lune au Luxembourg) et avec des musiciens ( Eric Barthes, Julien Vergne, Frédéric Folmer … ), compositeurs ( Jacques Dudon, Michel Chaupin pour des récitals poétiques ; mais aussi avec Lia Rieu : pièce pour orchestre de chambre sur les « poèmes de jeunesse » ) ou avec des artistes bruitistes ( Alain Michon) …
Ses premiers ouvrages paraissent aux éditions Clapas et l’Amourier, puis son évolution personnelle l’amène à fréquenter les milieux de la poésie dite « sonore » ou encore « orale » et performative. Les éditions Voix publient alors de plus récents travaux. Elle publie de nombreux textes dans les revues de poésie en France et à l’étranger. Responsable de rubriques sur les sites poétiques suivants : Recours au poème, La toile de l’Un, Le site des éditions l’Amourier (les feuilletons, quelque chose du Tennessee), Bribes en lignes (rubrique au rendez-vous des amis).

Voir les sites : beatricemachet.wordpress.com
amourier.com ( rubrique les feuilletons)
surledosdelatortue.free.fr/,
hadziin.canalblog.com
http://poesiesud.free.fr/scriptorium/,
http://www.ac-nice.fr/daac/lezard/ ,
http://www.bribes-en-ligne.fr ( rubrique aux rendez-vous des amis, espace des glanes)
sautefrontiere.fr ( journal de résidence 2011, 5 mois à la maison de la poésie transjurassienne)

Traduite en Espagnol, en Anglais, en Albanais, en Roumain, en Hindi, en Bulgare, en Chinois, en Néerlandais (présente dans des éditions anthologiques de poésie Française contemporaine à l’étranger)

publication en ligne du 12 avril 2014 :

AUTRES COURANTS  de Philippe JAFFEUX

(inédit extrait d’un manuscrit de 70 pages)

(la mise en page du texte n’est pas respectée ici; la présentation se fait par 26 vers sur chaque page qui subit ici un retour à la ligne imprévu. De même les 26 vers sont dépassés)

Les ordinateurs se souviennent qu’ils ont une mémoire lorsque l’histoire de leur trace enregistre un oubli.

Il glorifiait l’enregistrement d’une blancheur créative s’il oubliait de signer ses pages avec des octets.

Ses phrases ne savaient pas où elles allaient parce qu’un nombre connaissait la finalité de sa page.

Le fond de l’air était aussi frais que celui de sa page depuis que sa profondeur était ensoleillée par le vide.

Les nombres sont illimités parce que les mots ne seront jamais assez nombreux pour définir l’infini.

La disparition des lettres est souvent juste parce que les mouvements du vide sont toujours beaux.

Sa page se réfugia dans la composition d’une image pour révéler l’asile d’un alphabet abandonné à la folie.

Sa volonté l’abandonna à sa révolte contre le chaos car sa folie résistait à l’ordre d’un monde perdu.

Sa parole battait au rythme des images s’il posait une main sur sa bouche pour entendre son cœur.

Il était en proie au vertige car un alphabet monstrueux tournait autour d’une planète inhumaine.

Il ne voulait pas savoir d’où il venait pour que ses phrases ne sachent pas où elles allaient.

Il écrivait grâce à une image de sa parole s’il conversait avec l’alphabet afin d’écouter les nombres.

Il récoltait les graines d’une culture chaotique alors qu’un interlignage semait chacun de ses sillons.

L’alphabet est l’objet des mots lorsque le sujet de la parole s’endurcit au contact d’un air chosifié.

Il transformait des sphères en cercle au risque de refaire le monde avec le tracé d’un infini parfait.

Seule la volonté de l’alphabet exprimait sa liberté parce que la parole était emprisonnée par l’écriture.

Le soleil poursuivait sa course à l’infini tandis qu’il encerclait l’horizon limité de ses pages radieuses.

La chute du prix de l’air était identique à celle d’un vide qui estimait la valeur de ses paroles gratuites.

Son objectif était de photographier des instants qui impressionnaient du papier tendancieux.

Un tissu de flux sanguin innerve les os d’une page qui muscle les nerfs d’un interlignage poreux.

La respiration de ses paroles fût emportée par celle de sa pensée lorsqu’un vent inspira son silence.

Une lettre superflue acheta son artgent dès qu’il vendit son temps à la gratuité d’un art erroné.

Un choc entre sa voix et des octets irresponsables numérise la mécanique d’un alphabet accidentel.

Ses pages étaient interprétées par un nombre qui dessinait l’alphabet grâce à une trahison de ’écriture.

Des lettres en transe rapprochaient son chant d’une peinture exécutée dans les marges de l’écriture.

Ses nerfs exploraient la moelle de son angoisse au moyen d’un interlignage qui consolidait l’os de ses pages.

PHILIPPE JAFFEUX publié des textes sur des sites et des blogs et a publié des livres papier :

O L’AN/ à l’atelier de l’agneau, 2012

N à Passages d’encre, 2013 

ALPHABET de A à N, Passage d’encres, 2014

COURANTS BLANCS à l’Atelier de l’agneau, 2014

AUTRES COURANTS, Atelier de l’agneau, 2015

 

Un commentaire pour édition en ligne

  1. Ping : Philippe Jaffeux, Entre, Lanskine, 2017, 69pages, 12€ – Traversées, revue littéraire

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